Mars-avril 2002 : Philippe DARNICHE :
La réforme de l'autorité parentale.
Les nouvelles dispositions législatives en matière de prévention
et de sanction des enlèvements parentaux d'enfants vers l'étranger
La séparation des couples binationaux mais parfois franco-français
prend toute sa dimension lorsqu'en pleine déchirure familiale,
un des deux parents en vient à vouloir arracher à l'autre leur
propre progéniture pour la transformer en objet de chantage. Trop souvent,
lorsque la résidence principale et les droits de visite et d'hébergement
sont en jeu ou peu respectés, les parents sont tentés d'exercer
la "loi du plus fort". Malheureusement, s'ils en viennent à
de telles extrémités, ce sont les enfants eux-mêmes qui
pâtissent des drames des adultes. Rapts, contre enlèvements peuvent
s'enchaîner
Pour le législateur, il était grand temps
de prévenir et de sanctionner ces comportements irresponsables et inacceptables.
Considérant que l'autorité parentale conjointe des couples mariés,
vivant en union libre, séparés ou en instance de divorce touche
tout à la fois à la santé, à léducation
et à la sécurité de lenfant, cette dernière
a été très présente pendant les débats au
Sénat et à lAssemblée nationale. En outre, conscient
que la prévention des enlèvements parentaux denfants participe
au maintien nécessaire des liens entre lenfant et ses deux parents,
le législateur par la voix de MM. Philippe Darniche et Hubert
Durand-Chastel, sénateurs, puis M. Pierre Cardo, député
a tenté d'apporter au droit de la famille une première
réponse à cette dramatique question pour que ces affaires particulièrement
douloureuses ne prennent pas une importance croissante dans les prochaines années
du fait cumulé de la multiplication des couples bi-nationaux en France,
d'une part ; mais aussi des facilités d'expatriation de nos jeunes ressortissant(e)s
au sein de l'espace de l'Union européenne ou vers des pays tiers, d'autre
part.
Mettre en péril la sécurité physique de l'enfant, c'est
porter atteinte à l'exercice conjoint de l'autorité parentale
Déposée le 17 mai 2001, sur le Bureau de l'Assemblée nationale,
la proposition de loi relative à l'autorité parentale a
été votée conforme en troisième lecture, le 21 février
2002 et promulguée le 4 mars 2002 (n° 2002-305, JORF 134, n°54,
pages 4161 à 4166). Ses principaux objectifs sont : (1) de permettre
une meilleure application du principe de coparentalité l'auteur
préfère parler de "co-responsabilité parentale"
selon lequel il est dans lintérêt de lenfant
dêtre élevé par ses deux parents; (2) d'harmoniser
les conditions dexercice de lautorité parentale et d'affirmer
légalité entre les enfants quelle que soit la situation
matrimoniale des parents; (3) d'achever la réforme du droit de lautorité
parentale entamée avec la loi de juin 1970; (4) de mettre en application
la Convention internationale des droits de lenfant ratifiée en
France en 1990.
Comportement irresponsable des parents aux conséquences dommageables
pour lenfant, le déplacement de la résidence de lenfant,
sans avertir ni obtenir laccord de lautre parent détenteur
de lautorité parentale conjointe est une voie de fait en
matière civile et un délit en matière pénale.
Bien évidemment, la convention de La Haye du 25 octobre 1980 prévoit
le retour immédiat de l'enfant en cas de déplacement international
illicite mais faute d'harmoniser les lois, les conventions sont trop facilement
contournées. C'est pourquoi, laction des associations a rapidement
permis au fil du temps de mettre en évidence les disfonctionnements et
insuffisances de notre système de protection de lenfance
en cas de séparation ou de divorces de couples franco-étrangers
mais aussi de couples franco-français. En apportant des modifications
aux textes en vigueur, le Sénat a inscrit dans la loi le placement en
détention provisoire des auteurs de déplacements illicites d'enfants
vers l'étranger, afin d'éviter la disparition extrêmement
regrettable de ces derniers mais surtout des enfants concernés.
Le législateur innove en incriminant l'enlèvement international
d'enfant
En effet, les articles 227-5 à 227-9 du code pénal sanctionnent
les atteintes à l'exercice de l'autorité parentale. Ainsi, l'article
227-5 punit d'un an d'emprisonnement et de 15.000 ¤ d'amende le
fait de refuser indûment de présenter un mineur à la personne
qui a le droit de le réclamer. Ensuite, le déménagement
non signalé est puni de six mois d'emprisonnement et de 7.500 ¤
d'amende (article 227-6). Enfin, le fait pour un ascendant légitime
de soustraire un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l'autorité
parentale ou auxquels il a été confié est sanctionné
d'un an d'emprisonnement et de 15.000 ¤ d'amende (article 227-7).
Quant à l'article 227-9 du code pénal, il fixait jusqu'à
la récente réforme de la loi sur l'autorité parentale,
les peines encourues à deux ans d'emprisonnement et 30.000 ¤
d'amende lorsque les faits visés aux articles 227-5 et 227-7 conduisent
à retenir le mineur plus de cinq jours sans que ceux qui ont le droit
de le réclamer sachent où il se trouve ou lorsque l'enfant mineur
est retenu indûment hors du territoire de la République. En deuxième
lecture, le Sénat a modifié ce dernier article, afin de porter
les peines encourues à trois ans d'emprisonnement et 45.000 ¤
d'amende. Par le "durcissement" de l'article 227-9 du Code pénal
et le renforcement des peines encourues, MM. Darniche et Durand-Chastel, sénateurs,
et M. Pierre Cardo, député, permettent désormais le placement
en détention provisoire des auteurs de déplacements illicites
d'enfants vers l'étranger, l'article 143-1 du code de procédure
pénale fixant désormais à trois ans le seuil minimal de
la peine encourue pour ce placement.
En renforçant le dispositif civil et pénal actuel, le législateur
entend fermement dissuader l'enlèvement parental d'enfant vers l'étranger
Mesure technique très importante innovée par les parlementaires
et d'effet immédiat, la création d'un nouvel article 373-2-6 du
code civil. Si lintérêt et la sécurité de lenfant
le commandent ou lorsquil existe un réel risque de déplacement
illicite de lenfant mineur, possibilité est désormais accordée
au juge du tribunal de grande instance délégué aux affaires
familiales "d'ordonner l'inscription sur le passeport des parents de l'interdiction
de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation
des deux parents."
Rappelant quil est dans les attributions du juge aux affaires familiales
de « prendre les mesures permettant de garantir la continuité
et leffectivité du maintien des liens de lenfant avec chacun
de ses parents », il est désormais possible au magistrat de
prononcer linterdiction de sortie de l'enfant du territoire français.
Lenfant sera alors inscrit sur le fichier des personnes recherchées
consulté par la police aux frontières. Par ailleurs, une circulaire
du ministère de lIntérieur (11 mai 1990) précise
les conditions dinscription des enfants dans ce fichier et prévoit
des possibilités dinscription en urgence, à titre conservatoire,
avant même lintervention dune décision judiciaire.
Enfin, souhaitant également favoriser lefficacité et la
rapidité du système judiciaire français en matière
denlèvements internationaux denfants, le législateur
a décidé délargir le champ de spécialisation
des juridictions pour les actions engagées sur le fondement de la
convention de La Haye relative aux aspects civils de lenlèvement
international denfants, à lensemble des conventions internationales
et des instruments communautaires ayant le même objet.
Pour rappels, la convention de La Haye du 25 octobre 1980 lie la France à
62 États et organise le retour dans leur pays de résidence habituelle
denfants enlevés de matière illicite vers un autre pays.
Son application exige une intervention très rapide pour éviter
que ne sinstaure un état de fait qui, dans lintérêt
même de lenfant, devient difficile à remettre en cause. La
spécialisation des juridictions françaises décidée
par le législateur répond par ailleurs à celle des juridictions
des partenaires européens et doit - nen doutons pas conduire
à une amélioration générale de lefficacité
du système. LAllemagne a ainsi elle-même spécialisé
28 de ses tribunaux. La France étant en outre liée par des accords
bilatéraux en matière denlèvement international à
une vingtaine de pays, principalement des pays africains, notamment les pays
du Maghreb, mais également le Brésil et le Portugal. Est également
applicable la convention européenne de Luxembourg du 20 mai 1980 qui
permet dobtenir dans un État partie lexequatur dune
décision rendue en matière dautorité parentale dans
un autre pays partie.
C'est pourquoi, le législateur a modifié le code de l'organisation
judiciaire pour élargir enfin la spécialisation des magistrats
des juridictions de cour d'appel (un par cour d'appel, désignation dans
chaque cour d'appel d'un procureur spécialisé en la matière)
et des tribunaux de grande instance en cas d'enlèvements internationaux
d'enfants à l'ensemble des actions engagées sur les fondements
des conventions internationales et des instruments communautaires relatifs aux
enlèvements internationaux d'enfants (articles 16 et 17 et Art. L. 226-1
et L. 312-1-1 du code de l'organisation judiciaire).
Beaucoup reste encore à faire, en particulier à l'échelon
européen, mais la République française peut s'honorer d'avoir
légiféré avec sagesse et par prévention face à
un phénomène dramatique et malheureusement croissant dont l'enfant
est à la fois l'otage et la victime. Toutefois, il sera judicieux de
poursuivre les efforts afin de favoriser - sans la subordonner à l'accord
du magistrat instructeur l'inscription anticipée des interdictions
de sortie du territoire et la transmission des avis de disparition aux fichiers
internationaux par la création au sein d'un office interministériel
(Justice, Intérieur, Défense et Affaires étrangères)
d'un fichier national central des enfants disparus comme cela existe
déjà dans de nombreux pays.
Philippe Darniche , Sénateur de la Vendée